Simonetta Mariano - Conceptrice de costumes
Publié le 3 novembre 2022
QUELLE EST TA FONCTION ? COMMENT DÉCRIRAIS-TU TON TRAVAIL ?
À titre de conceptrice de costumes, j’ai comme mission de transposer les caractéristiques du personnage à travers l’habillement en fonction de l’époque, du climat, de la culture, du monde, qu’il soit terrestre ou extraterrestre, etc.
Je conçois, crée, choisis et assemble tous les éléments du costume, des sous-vêtements jusqu’à l’armure. Tous les détails sont scrutés au peigne fin pour créer l’univers souhaité et veiller à la cohérence des tenues. Trouver le bon costume n'est pas une mince affaire et requiert la collaboration de plusieurs parties prenantes. C’est la coordination et le travail conjoint de l’acheteur, du coupeur, de l’artiste, du couturier, de l’assistant et du coordonnateur, qui donnent vie aux personnages et qui permettent aux acteurs de les incarner. Nos métiers sont hors champ, mais ils sont indispensables dans la réalisation d’une production.
QUEL ASPECT DE TON TRAVAIL AIMES-TU LE PLUS ?
Le concepteur de costumes intervient à des stades différents d’un projet. Lors de la phase de préproduction, mon équipe et moi commençons à concrétiser nos idées selon les besoins du réalisateur et des départements décors et logistique. J’aime beaucoup concevoir des vêtements, bricoler avec différents matériaux et dessiner des costumes fantastiques, d’époque et de science-fiction. Les vêtements contemporains sont trop subjectifs à mon goût et suscitent des opinions divisées. C’est un vrai casse-tête lorsque vient le temps de les faire valider.
De plus, mon métier me permet de voyager dans des pays extraordinaires, de développer diverses compétences techniques, mais aussi de rencontrer des grands artisans. Je me souviens d'avoir été éblouie à la vue des vasques de teintures à ciel ouvert, par les méthodes de façonnage pour transformer le métal en couronne et le cuir en chaussures, etc. Ce sont des techniques ancestrales qui sont irremplaçables !
Mais rien ne peut égaler l’expression des membres de l’équipe de tournage lorsqu’ils voient l’acteur arriver dans son costume pour la première fois sur le plateau. C’est un moment magique qui inspire tout le monde !
PRÉFÉREs-tu TRAVAILLER SUR UN FILM D’ÉPOQUE OU DE SCIENCE-FICTION ?
J’aime les deux pour des raisons différentes. Chaque époque est unique. Travailler sur un film d’époque me permet d'étudier l’histoire et j’aime découvrir de nouvelles choses.
En ce qui concerne les films de science-fiction, ils nous offrent plus de marge de créativité que les films d’époque; j’ai souvent carte blanche sur les costumes. Les anachronismes et le mélange de morceaux de différentes époques ou de cultures sont permis afin de créer des pièces uniques.
Attention, cela ne signifie pas que les costumes de science-fiction sont plus faciles à confectionner. La tenue de Vin Diesel dans Riddick m’a donné le plus de fil à retordre. Son costume de guerrier nous a pris trois mois à fabriquer.
AS-TU UNE ANECDOTE INSOLITE LIÉE À TON TRAVAIL À PARTAGER ?
Lors du tournage d’un film de mafia en Italie, plusieurs « squibs » (des pochettes de faux sang) accrochées sur un costume dans mon camion se sont vidées sur le sol. Des coulées de faux sang se sont même rendues jusqu’à l’extérieur de la porte arrière. Quand je suis arrivée sur les lieux, il y avait une foule de passants inquiets, y compris des carabiniers, rassemblés autour du camion. J’ai vite réglé le quiproquo, car heureusement, je sais parler italien.
QUEL AVENIR IMAGINES-TU POUR LA PROFESSION ?
L'Internet a facilité le travail de recherche, notamment sur les modes et les codes vestimentaires d’époque. Nous pouvons désormais accéder à des faits historiques, des descriptions de matériaux et des références de costumes en quelques clics. Cependant, la technologie n’a pas avancé en termes de compétences techniques. Les costumes sont encore cousus à la même vitesse que la première machine à coudre en 1848, c’est-à-dire environ 200 points à la minute. Les producteurs et les réalisateurs doivent prendre cela en compte dans leurs demandes.
Les compétences d’artisanat sont aussi de plus en plus difficiles à trouver de nos jours. Pour préserver l'art des métiers nobles du département, nous devons offrir plus de formations et des programmes pour encourager la transmission de connaissances. J'estime qu'il est de mon devoir de prendre sous mon aile et d’inspirer les jeunes diplômés dans mon équipe. Ce savoir-faire s’apprend surtout « sur le terrain » ! Sinon, il n’y aura plus de doigts de fée pour broder, perler, tricoter, crocheter, colorer, piquer, tresser, cirer et sculpter.
SELON TOI, QUELLE EST LA FORCE DE L’INDUSTRIE AUDIOVISUELLE AU QUÉBEC ?
Les techniciens québécois sont dotés d’un esprit créatif et débrouillard. Ils ont le talent de créer des belles choses avec peu. Chaque production cinématographique est un terrain d’apprentissage et nous apporte plus de dextérité, de créativité, de crédibilité et d'expérience. Selon moi, pour attirer davantage les productions étrangères sur notre territoire, nous devons prioriser l’emploi de chefs de département locaux, repenser notre façon d’attirer les producteurs et nous adapter au marché hollywoodien. Utilisons notre force singulière pour assurer la pérennité de notre industrie au Québec !