Félix Larivière - Chef coiffeur

Publié le 8 décembre 2022

QUELLE EST TA FONCTION ? COMMENT DÉCRIRAIS-TU TON TRAVAIL ?

Je suis coiffeur styliste, chef du département coiffure sur des productions ou des coproductions américaines, canadiennes et franco-québécoises. Mes tâches sont de monter mon équipe, comprendre le scénario, travailler à la création des personnages et gérer le budget attribué au département. Je collabore avec le réalisateur, les studios (si c'est un film de studio), le producteur et évidemment l'acteur pour créer le personnage au niveau capillaire.

Une fois le travail de préparation terminé, on procède au tournage et on vérifie que tout fonctionne pour le mieux. Parfois, il faut travailler avec beaucoup de photo double, des stunt et multiplier les perruques pour être sûr que s’il y a deux ou trois plateaux qui tournent en même temps, on puisse avoir la copie conforme du rôle principal sur tous les plateaux. Sous ma direction, la responsable de l'équipe figuration, monte les équipes nécessaires et veille à ce que les figurants et les coiffeurs ne manquent de rien.

QUEL ASPECT DE TON TRAVAIL AIMES-TU LE PLUS ?

La création des personnages, c’est toujours ce qui m'a le plus allumé ! Visualiser, construire le personnage en collaboration avec le réalisateur et les studios. Après ça, le travail avec le perruquier, le fitting sur l'acteur, puis la journée décisive où on fait les screen test. Après cette étape, on va souvent faire des ajustements, voire repartir de zéro si le look n’est pas validé. C’est la partie que j'aime le plus, car c'est challengeant. En fin de course, c'est ta création qui va être à l'écran !

QUEL EST, SELON TOI, LE PLUS BEAU PROJET SUR LEQUEL TU AS TRAVAILLÉ ?

Un incontournable, ceux qui ont travaillé sur ce projet vont être d'accord avec moi, c'est Mirror Mirror. C'est un film qui a été très exigeant ! J'y ai acquis beaucoup d'expérience personnelle et professionnelle. Le film m'a fait grandir au niveau créatif, du travail en équipe et de la gestion de budget. Aucun budget n'a été fixé parce que cela dépassait toutes les mesures. La préparation sur ce film a pris deux mois et demi, j'avais une équipe de 10 ou 15 coiffeurs très talentueux qui travaillaient du lundi au vendredi à monter des bigoudis, et à créer des perruques. C'est un rêve de travailler sur un projet d’une telle ampleur, au niveau créatif sky is the limit ! Les robes, les costumes, les maquillages, les décors étaient tous féeriques ! Tous ces éléments réunis ensemble ont donné vie à un projet extraordinaire. Je n'en garde que de très beaux souvenirs.

«La création des personnages, c’est toujours ce qui m'a le plus allumé ! visualiser, construire le personnage, c'est challengeant. »
Félix Larivière

AS-TU UNE ANECDOTE INSOLITE LIÉE À TON TRAVAIL À PARTAGER ?

Au début de ma carrière, j’ai commis une grosse erreur de continuité. C'était pour une série américaine tournée au Québec, en Alaska et à San Francisco, dont l'actrice principale était Laura Linney. J'étais très fier d'y participer. La scène en question se passe en intérieur, dans un appartement à Montréal, et Laura a les cheveux très bouclés pour ce plan. Le tournage se poursuit en Alaska, puis trois mois plus tard, on tourne à San Francisco le plan qui suit directement celui de Montréal.

Avec le stress, j’oublie de vérifier mes notes sur la continuité et demande à l’actrice comment étaient ses cheveux la dernière fois. Elle me répond qu'ils étaient droits. Je lui fais donc un beau brushing lisse. Résultat à l’image :  Laura est dans son appartement avec les cheveux frisés, elle ouvre la porte et sort de chez elle avec un beau brushing cheveux lisses ! Sur le coup, je me suis dit mon dieu, je suis vraiment mauvais. Aujourd'hui, avec le recul, je trouve ça drôle. Personne n’est mort et je n’ai jamais reçu de plainte comme quoi j'avais mal fait mon travail.

QUEL AVENIR IMAGINES-TU POUR LA PROFESSION ?

Il y a présentement un manque de main-d’œuvre important chez les coiffeurs. Que ce soit sur les plateaux et même dans les salons. C’est un métier qui n’attire plus les jeunes. C’est très difficile de recruter du personnel qualifié et de le retenir. Il faut travailler fort, avoir du talent, une bonne personnalité, être capable de mettre son orgueil de côté, car la coiffure que t'as faite doit plaire avant tout à la production et à l’acteur ! Si elle ne convient pas, il faut vite corriger et s’adapter.

Le problème principal ce sont les heures. La jeune génération prône plus la qualité de vie que l'argent, ce qui est complètement à l'opposé de la mienne. Mais la réalité, c’est que sur un film américain, tu peux te ramasser à faire des 15 h ou même 17 h par jour. Le dernier projet sur lequel j’ai travaillé, c’était du 14 h par jour, six jours semaine. La septième journée, on était dans les avions. Ce rythme-là est correct 2 ou 3 semaines, mais après trois mois, t’es fatigué et c’est normal ! On ne rajeunit pas et moi aussi j'ai changé, je veux privilégier ma qualité de vie. Mais sur les plateaux, des jeunes dans la vingtaine y’en a pas tant que ça en raison de ce rythme-là. La nouvelle génération n’a pas les mêmes priorités et faut apprendre à le respecter.

Une des pistes pour les séduire serait peut-être d’augmenter les salaires. Mais je ne suis même pas certain que cela suffise. Dans l’idéal, il faudrait changer la façon de travailler, se mettre à faire des équipes de tournage et diviser les journées. Pas sûr que cette idée plaise aux producteurs non plus.


SELON TOI, QUELLE EST LA FORCE DE L’INDUSTRIE AUDIOVISUELLE AU QUÉBEC ?

Le talent, la débrouillardise et la passion des techniciens. C'est ce qui fait la force du cinéma au Québec.

Félix Larivière