Lili-Anne Crevier - 1re assistante à la réalisation
Publié le 3 avril 2024
QUELLE EST TA FONCTION ? COMMENT DÉCRIRAIS-TU TON TRAVAIL ?
Je suis première assistante à la réalisation et œuvre surtout en fictions. Notre département organise divers aspects d’un tournage. À partir du scénario, nous veillons à ce que la production ait toutes les ressources nécessaires pour donner vie à la vision du réalisateur. Nous évaluons les besoins, élaborons le calendrier et l’horaire, déterminons les modalités pour le tournage, puis faisons circuler ces informations à l’ensemble des membres de l’équipe. Les assistants à la réalisation agissent comme une tour de contrôle; ils transmettent tout changement et ajustement aux autres départements, le cas échéant. Dans notre domaine, il faut être rigoureux, attentif, astucieux, savoir communiquer efficacement et avoir une bonne résistance au stress. Notre équipe complète est normalement composée de trois assistants à la réalisation : le premier est responsable du plan de travail et de la logistique du projet, le deuxième de la communication avec les départements et du dossier relatif aux comédiens, et le troisième de la mise en scène de la figuration.
Durant la préparation, nous planifions et participons à toutes les réunions, mettons les documents nécessaires à jour et visitons les lieux de tournage avec le réalisateur. Tout au long du tournage, nous veillons au bon fonctionnement sur le plateau autant au niveau du temps, des ressources et de la logistique. En somme, notre rôle est de s’assurer que le tout se déroule comme prévu, que ce soit pendant la phase de préparation ou lors du tournage.
QUEL ASPECT DE TON TRAVAIL AIMES-TU LE PLUS ?
Il y a plusieurs facteurs qui font en sorte que j’aime beaucoup le métier que j’exerce. En tant que première assistante à la réalisation, j’ai une vue d’ensemble sur un projet et cela me permet d’être témoin de la mise en œuvre d’une histoire. De voir un scénario se concrétiser en images à l'écran est très gratifiant et me procure un grand sentiment de fierté. Je suis toujours heureuse de voir ce que les assistants à la réalisation ont accompli. C’est le fruit d’une collaboration d’équipe et d’un travail assidu. Ce n’est pas nous qui faisons tout, mais nous nous assurons que le tout soit fait.
Un autre aspect que j’apprécie énormément est la relation qui se développe rapidement entre les collègues. On n’a pas le temps pour les quiproquos ni les conflits. Dès le début, la confiance, le respect et l'efficacité sont au rendez-vous. Le milieu du cinéma regroupe et rassemble les gens passionnés et fascinants. Dans ma carrière, j'ai eu la chance de rencontrer de nombreuses personnes extraordinaires et inspirantes et j’en suis reconnaissante.
Photographe : Baba Levrais
QUEL EST, SELON TOI, LE PLUS BEAU PROJET SUR LEQUEL TU AS TRAVAILLÉ ?
Je n’ai jamais vraiment aimé les palmarès, donc je n’ai pas de soi-disant projet préféré. Ce sont plutôt des petits moments que je chéris et dont je garde d’excellents souvenirs, comme par exemple, le film « Mommy » de Xavier Dolan. La collaboration et l’engagement de chaque département étaient remarquables. On croyait tous dur comme fer en son œuvre et en son talent. Cet esprit d’équipe m’a vraiment marquée, et c’est une valeur qui résonne intensément en moi.
AS-TU UNE ANECDOTE INSOLITE LIÉE À TON TRAVAIL À PARTAGER ?
Dans notre milieu, il arrive souvent des situations absurdes. Une fois, j’avais demandé à toute l’équipe de partir à la recherche d’un comédien qui avait mystérieusement disparu du plateau. Tout le monde le cherchait et tentait de l’appeler sur son cellulaire, mais en vain. Finalement, nous avons découvert qu'il était simplement aux toilettes, là où le roi va seul, en raison d’un besoin corporel pressant. J’ai envoyé toute une troupe à sa recherche alors qu’il voulait que sa petite escapade reste discrète. Oups.
QUEL AVENIR IMAGINES-TU POUR LA PROFESSION ?
Beaucoup de choses ont changé depuis le début de ma carrière. L’évolution de notre profession est étroitement liée à celle de la technologie. J’entretiens un rapport amour-haine avec les avancées technologiques. D’une part, elles facilitent notre travail, mais d’une autre part, la cadence est plus intense et le temps de préparation est réduit. Tout doit se faire à la vitesse de l’éclair. Les téléphones intelligents nous permettent de communiquer rapidement, et ce, en tout temps, mais le revers de la médaille, c’est qu’on est constamment sollicités.
J’aime imaginer un avenir où nous pourrons prendre le temps de faire les choses correctement, tout en respectant la vie personnelle des technicien-ne-s. Dans notre secteur, la performance et les résultats sont hautement valorisés. Nous devons donc toujours être disponibles et l’équilibre professionnel et personnel n’est parfois pas pris en compte. Je crois que, de nos jours, les gens sont de plus en plus sensibilisés aux conditions de travail et qu’il y aura sans doute des changements à cet égard. En tout cas, je l’espère.
SELON TOI, QUELLE EST LA FORCE DE L’INDUSTRIE AUDIOVISUELLE AU QUÉBEC ?
Au Québec, nous avons un gros bassin de talents. Les techniciens en audiovisuel ne craignent pas les défis et sont extrêmement passionné-e-s. Il y a également un esprit familial qui règne sur les plateaux, qu’on ne retrouve pas ailleurs. J'ai passé beaucoup de temps ces dernières années à travailler sur des tournages américains, mais je trouve toujours le moyen de collaborer avec de jeunes réalisateurs émergents sur des courts-métrages locaux, car j'adore l’énergie qui se dégage sur ces plateaux.